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LES DERNIÈRES LETTRES

 

 
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15. 5 juin 1985. Je vais vous expliquer ce qui ne va pas.

 

Paris, le 5 juin 1985

Madame la Source,

Je viens de recevoir vos deux lettres qui m'ont fait très plaisir. Tu t'es trompée. Je n'ai pas eu 12 en philo, mais 13. Ce que tu m'écris sur l'épreuve de philo est très intéressant. Ne vous en faites pas, Source, j'ai écouté la cassette contenant l'interview de Jean-Paul Sartre. Ce qu'il dit n'est pas super.

Au sujet de ta seconde lettre, elle est très belle. Au point que je vais la conserver avec moi tout le temps.

Tout de même, Madame la Belle Source, depuis le temps que vous me voyez grognon, je vais vous expliquer ce qui ne va pas. Tout simplement, c'est le ras-le-bol de la fin d'année. Ne vous en faites pas, c'est normal. Je n'ai pas perdu ma passion de la culture, ni ma passion pour Anny. Je vais même vous écrire une petite citation de Victor Hugo comme cadeau :

«Le théâtre n'est pas le pays du réel; il y a des arbres de carton, des palais de toile, un ciel de haillons, un soleil qui sort de dessous terre. C'est le pays du vrai; il y a des cœurs humains sur la scène, des cœurs humains dans la coulisse, des cœurs humains dans la salle.»

Voilà, Source, en hommage à votre travail.
Peut-être comme toutes les sources, vous aimeriez savoir ce que je vais faire pendant votre absence ? Eh bien, je vais tout simplement aller tous les jours avec Anny au Centre Pompidou lire des livres, et puis je vais pour la première fois de l'année sortir un peu le soir.

Voilà, Madame Source.

Je pense à vous et je vous embrasse très fort.

Le petit Aigle qui vous souhaite un bon tournage et qui vous adore.

*

La "seconde lettre"  de la mère d'Ariane mentionnée ci-dessus a été écrite au moment de l'épreuve du "bac". Comme Ariane l'a indiqué, la lettre "très belle" a bien été placée - et retrouvée - dans le portefeuille de la jeune fille après sa disparition.

Paris, le 4 juin 1985

Ma tout petite,

Si tu savais comme je suis fière de dire: "ma fille passe le bac cette semaine", tu te moquerais de moi. Il y a des milliers de parents qui sont comme moi. Peu importent les résultats, la fierté de dire "ma fille fait des études et elle passe "le bachot" comme on disait dans le temps, cela signifie que je ne suis pas, moi la mère, une moins que rien!"

Je te remercie aussi, petite Poune, des efforts que tu fais pour devenir autonome et ne plus dépendre de moi. J'apprécie ta volonté de sortir du nid. Bien sûr, les aiglons y reviennent toujours en coup de vent, et les gros aigles sont bien contents de revoir leurs petits.

Mon grand aiglon, tu deviens un gros aigle à ton tour. Je pense à toi sans cesse et me ferai tout petite pour ne pas gêner ton envol.

Ta maman

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